Pourriez-vous en dire plus sur le marché qui vous a valu le prix du marché public le plus responsable ?
Ce cahier des charges concerne la préparation des repas à la Cantine des Classes de forêt du Domaine, où l'on sert 105 repas par jour en moyenne. À Chevetogne, l'éducation à l'environnement occupe une place importante depuis 1981, date de création des classes de forêt. Aujourd'hui, on accueille quelque 4 000 élèves par an, principalement issus du primaire. Des élèves du secondaire et de hautes écoles viennent aussi se mettre au vert, s'immerger en pleine nature, durant trois à cinq jours.
Depuis plus d'une décennie, on associe l’éducation à l’environnement à l'éducation à l'alimentation, au goût et par conséquent à la santé. Depuis 2010, nous sommes engagés dans l'Alimentation Saine et Durable avec un cahier spécial des charges alors rédigé en collaboration avec la Cellule Environnement de la Province de Namur. Ce document mettait surtout en avant l'agriculture biologique avec un durcissement des quotas chaque année durant les 4 ans du marché.
En 2019, nous avons signé le Green Deal Cantines Durables et rejoint des centaines d’autres acteurs engagés pour plus de durabilité.
Il y a 10 ans, c'était déjà un défi. Il aurait été bien plus confortable de proposer de riches plats en sauce, réconfortants. Les enfants font déjà face à quelques changements importants en arrivant en classes vertes ; ils changent de milieu et de rythme de vie, on modifie en plus les habitudes alimentaires. C'est une épreuve supplémentaire à franchir. Changer les habitudes alimentaires, c'est aussi toucher à la culture et aux traditions, ce n'est pas un terrain facile.
Si les débuts ont été laborieux, les mentalités changent et s'ouvrent davantage à la découverte et à la diversité.
Forts de cette expérience, nous souhaitions franchir un cap supplémentaire en inscrivant notre cahier spécial des charges plus concrètement encore dans la logique du développement durable d'autant qu'à Chevetogne, c'est une démarche globale qui touche tous nos secteurs d'activités. Nous souhaitions développer davantage l’approvisionnement local de la cantine.
Comment avez-vous pris en compte des considérations durables dans votre marché ?
L'attribution du marché repose sur 4 critères. Le 1er critère est évidemment celui du prix de la journée alimentaire qui doit être le plus bas. Vient aussitôt et pour un même nombre de points à attribuer, le critère environnement et durabilité qui repose sur la manière dont l'adjudicataire intègre dans son approvisionnement les quotas bio, de saisonnalité, de diversité, de légumes frais et le circuit court, le vrai. Celui qui limite les distances parcourues depuis la zone de production jusqu'au lieu de consommation et par conséquent réduit l'empreinte carbone. Celui qui réduit le nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur, soutient les coopératives de production, valorise la qualité différenciée et le bio sûr et sain et enfin qui tient compte de la saisonnalité.
Le 3e critère d’attribution concerne la réduction des déchets et des emballages qui interdit les emballages individuels et encourage l'usage d'emballages réutilisables, recyclés et le recours au vrac.
Le 4e et dernier critère concerne la manière dont l'adjudicataire communique sur sa démarche à destination de nos petits consommateurs et qui se traduit notamment par des panneaux pédagogiques affichés dans le réfectoire.
Nous avons renforcé les critères environnementaux dans les clauses techniques, en sollicitant des labels de qualité différenciée, en réduisant le nombre d'intermédiaires pour éviter la sous-traitance en cascade (rarement plus d’un intermédiaire pour la plupart des produits) ou encore en imposant une journée entière en végétarien, le fameux Jeudi Veggie.
Quels ont été les soutiens nécessaires pour mener à bien votre action ?
Il y a bien évidemment un soutien administratif. L’élaboration d’un cahier des charges est un travail collaboratif. Tout d’abord, le cahier spécial des charges est le fruit d’une réflexion commune avec ma collègue, Vinciane Ferrière, attachée spécifique, particulièrement affûtée aux marchés publics. Ensuite, une fois nos besoins déterminés et la prospection effectuée pour bien appréhender l’offre, nous nous sommes adressées à nos collègues du service Marchés Publics, service d’appui de la Province de Namur, pour la rédaction en bonne et due forme juridique.
Il y a d’autre part, des coups de pouce financiers. En tant que cantine durable, signataire du Green Deal, nous bénéficions du coup de pouce « Du local dans l’Assiette », impulsé par le Plan Food Wallonia du Gouvernement wallon, qui permet un financement à hauteur de 50 % de nos dépenses en produits locaux et de 70 % pour le local et bio.
Quel est l'impact souhaité de votre marché ? Et quel impact avez-vous effectivement observé ?
Avec ce cahier spécial des charges, nous souhaitions nous engager plus encore dans le développement durable en encourageant le circuit court qui, en limitant à un intermédiaire entre le producteur et le consommateur, favorise la Qualité Différenciée. De cette manière, on s’assure du respect du vivant, de l’environnement, de la santé humaine et du bien-être animal, mais aussi de la plus-value qualitative et organoleptique des produits.
La qualité des produits est appréciée et la démarche porteuse de sens, ce qui encourage à la transition alimentaire et à son adhésion.
Dans une logique d'achats responsables, en quoi votre marché public est-il innovant ?
Pour répondre à notre marché, l’adjudicataire (TCO, la Cuisine des Champs) déjà engagé ailleurs dans l'alimentation saine et durable a franchi un cap supplémentaire en signant un contrat spécifique avec la Coopérative Paysans-Artisans de Floreffe qui est désormais capable de fournir les cuisines de collectivité. 80 % de l’approvisionnement de notre cantine est issu de la Coopérative, ce qui nous assure le circuit court désiré puisque les 100 producteurs de la plateforme sont issus du territoire namurois.
Des difficultés à signaler ?
L’expérience, la co-construction et l’appui de services juridiques permettent de limiter les difficultés. Pour ce marché, elles ne furent par conséquent pas significatives.
Des conseils pour d'autres acheteurs publics désireux d'intégrer une logique d'achat responsable au sein de leur marché ?
Il m’apparaît essentiel de bien déterminer ses besoins et d’effectuer ensuite une prospection éclairée qui permet de faire se rencontrer le plus justement possible l’offre et la demande.
La Cellule Manger Demain encadre et accompagne la démarche de différentes manières. Elle met ainsi à disposition un « guide pour un marché public d’alimentation durable » très pédagogique.
Nous sommes de plus en plus nombreux à nous engager et nos efforts respectifs conjoints participent à l’éveil des consciences en matière de développement durable. C’est d’autant plus motivant d’être inspirant.
Vos projets pour l'avenir ?
Nous sommes en pleine élaboration d’un nouveau schéma directeur pour les 10 ans à venir du Parc. Nous y intégrons des Objectifs de développement durable à concrétiser à court, moyen et long terme. En tant que Service public et lieu d’éco-tourisme social, nous avons un rôle essentiel d’exemplarité à jouer en répondant aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques de demain.